lundi 16 juin 2014

Suffit-il d'avoir le choix pour être libre ?

-          Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?

            Ne pas avoir le choix, c’est-à-dire être contraint de suivre la seule voie possible, ne semble pas correspondre à l’idée que l’on se fait communément de la liberté. Si un seul chemin s’offre à nous, il semble absurde de dire que nous sommes libres de choisir le chemin à suivre. L’être libre est plutôt celui qui a la possibilité de se déterminer volontairement pour suivre une voie parmi plusieurs possibles.
Pourtant, celui qui subit un système répressif, ou celui qui est contraint de travailler pour subsister, semble avoir le choix entre plusieurs possibilités. En cela, il semble libre. En effet, l’esclave peut soit obéir soit désobéir, comme le travailleur peut soit travailler, soit cesser son activité. Dans les deux cas, la solution la plus radicale semble toujours être un choix possible : le suicide.
Cependant, la désobéissance, la cessation d’activité, le suicide : sont-ce vraiment là des choix possibles ? Le choix, pour être recevable, c’est-à-dire compris dans la liste des choix possibles qui s’offrent à l’être libre, doit alors coexister avec la survie de celui qui choisit. Ainsi, il ne semble pas suffire d’avoir seulement le choix entre plusieurs possibilités pour être libre : il faut encore que les choix qui nous sont offerts soient viables, c’est-à-dire qu’ils ne viennent pas contrevenir à notre survie.
De plus, la véritable liberté se limite-t-elle au fait d’avoir le choix ? Ne faut-il pas également choisir ? Certes, pour choisir, il faut avoir le choix, mais avoir le choix n’est que la condition, certes nécessaire, mais non suffisante pour être pleinement libre. En effet, quelqu’un qui se contenterait d’avoir le choix ne pourrait être qualifié de libre, n’ayant jamais mis en œuvre sa liberté.
            Ainsi, les questions qu’il faudra ici se poser sont : Le seul fait d’avoir le choix permet-il la liberté ? Ne faut-il pas que les différents choix possibles soient valables, en accord avec la survie de celui qui choisit ? Et, peut-on être véritablement qualifié d’être libre si l’on se contente d’avoir le choix sans choisir ?
            Afin de répondre à ces questions, nous dirons que, pour que nous soyons véritablement libres, les possibilités qui nous sont offertes doivent être valides. Par la suite, nous noterons que nous ne pouvons nous contenter d’avoir le choix sans choisir si nous voulons véritablement être libres. Enfin, nous relèverons que nos choix, même influencés, restent libres.

I / La nécessité de la validité du choix :

            A / La nécessité de la survie de celui qui choisit après le choix :

Ainsi, la désobéissance, la cessation d’activité, et plus particulièrement le suicide ne sont pas des possibilités d’action valides, du moins dans certaines circonstances en ce qui concerne les deux premières possibilités. 

            B / La nécessité de la survie morale de celui qui choisit après le choix :

Celui qui choisit doit pouvoir encore se regarder dans la glace après son choix.

            C / La nécessité de la survie spirituelle de celui qui choisit après le choix :

D’un point de vue religieux, celui qui choisit ne doit pas pécher, sous peine de mettre en danger le salut de son âme. Ainsi, tous les choix ne sont pas possibles selon les croyances.


II / Etre libre n’est pas avoir le choix : c’est choisir.

            A / La liberté d’indifférence n’est pas la véritable liberté :

Les exemples cartésiens :
-          - L’âne de Buridan.
-          - Le promeneur perdu en forêt.

La liberté d’indifférence :
« La liberté est la puissance infinie d’affirmer ou de nier, de faire ou de ne pas faire les choses que notre entendement nous propose (quelles qu’elles soient) et quelque soit la manière dont nous les concevons initialement. »
Descartes

« La liberté d’indifférence est le plus bas degré de la liberté. »
Ibid., Méditations métaphysiques, IV ; Lettre au Père Mesland, mai 1644

« Moralement absurde, métaphysiquement possible. »
Ibid., Méditations métaphysiques, IV

            B / La liberté doit s’inscrire dans la contingence par la décision, par l’action :

L’existentialisme sartrien.

« On appelle liberté le rapport du moi concret à l’acte qu’il accomplit. »
Bergson (1859 – 1941), Essai sur les Données immédiates de la Conscience, 1889, Chapitre III

            C / Avoir le choix : condition nécessaire, mais non suffisante de la liberté.

III / La décision libre peut être influencée :

Leibniz : les petites perceptions nous influencent inconsciemment, ce qui ne nous prive pas de notre liberté de notre point de vue. De la même manière, nos décisions sont d’ores et déjà pré-vues par Dieu qui a pré-établi l’ordre providentiel des événements, ce qui, de notre point de vue, pour nous, ne nous prive pas de notre liberté :

« Nous sommes libres dans les mains de Dieu, Monarque des Esprits. »
Yvon Belaval (1908 – 1988), Leibniz, initiation à sa philosophie, 1961, Chapitre VI : « Vers l’achèvement du système (1677 – 1686) »




Vivons-nous pour être heureux ?

-          Vivons-nous pour être heureux ?

            Qui voudrait être malheureux plutôt qu’heureux ? Le bonheur semble être la finalité de toute existence humaine. Même par rapport à celui qui affirme chercher le malheur plutôt que le bonheur (sous le coup d’une déception amoureuse, par exemple), nous pouvons dire qu’en quelque sorte il trouve son bonheur dans ce qu’il appelle le malheur. Ainsi, le bonheur (qu’il nous faudra définir) semble être ce que cherche chacun, même inconsciemment, malgré toutes les dénégations de cet état de fait. Nous semblons alors en mesure de dire que nous vivons pour être heureux, c’est-à-dire que le bonheur est la finalité propre à nos vies, à nos existences.
Cependant, est-il légitime de se contenter de cet état de fait ? Le bonheur doit-il être la finalité suprême de nos existences ? Placer notre bonheur au rang de valeur suprême de nos vies ne relève-t-il pas d’une forme certaine d’égoïsme ? En effet, dire que le bonheur est la finalité suprême de nos existences, c’est dire qu’elle l’est pour la vie de chacun pris individuellement. Or, n’y a-t-il pas autre chose à rechercher dans la vie avant notre bonheur personnel ? Ne faudrait-il pas d’abord vivre pour le bonheur des autres avant le sien ? Chercher à être moral avant de chercher à être heureux : voilà ce qui semble légitime, noble, exemplaire. Ainsi, n’est-ce pas à nous de déterminer ce pourquoi nous vivons ? (pour le bonheur avant tout ou pour la morale avant tout)
            Ainsi, la question est alors de savoir si le bonheur est la finalité suprême de l’existence de chacun, ou bien s’il n’est pas plus légitime de nous déterminer, de nous attribuer une autre finalité suprême (le bonheur des autres, par exemple).
            Afin de répondre à cette question, nous devrons d’abord voir que l’on peut considérer le bonheur, défini de différentes manières, comme étant la finalité suprême de l’existence de chaque individu. Cependant, nous noterons qu’une telle vie ayant comme principale valeur le bonheur personnel relève de l’égoïsme et que d’autres genres de vie pourraient remplacer celui-ci. Enfin, nous nous demanderons si ce n’est pas à nous, individus libres, de déterminer la finalité suprême de nos vies.

I / Le bonheur est la finalité suprême de l’existence humaine.


(Précisez les tensions relatives à la définition du bonheur : satisfactions (Epicure) / plénitude de l’âme (stoïciens ; Platon ; Plotin)) (Voir cours : La recherche du bonheur.)


« Le bonheur c’est la fin que l’on peut supposer avec certitude chez tous les hommes parce qu’elle fait partie de leur essence. »
Kant, Critique de la raison pratique, 1788

« Tous les hommes recherchent d’être heureux, cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient, ils tendent tous à ce but. »
Pascal (1623 – 1662), Pensées, 1669 (posthumes)

L'homme vit pour être heureux, même si le bonheur lui est inaccessible. Il serait d'ailleurs le propre de l'homme de vivre pour l'inaccessible : il vit pour l'en-soi, pour l'absolu, pour la beauté, pour la perfection divine, pour ce qu'il n'est pas encore en mesure de réaliser (voler, tout connaître, être immortel, invincible ...), pour le bonheur qui n'est pas de ce monde-ci. 

II / Une vie avec le bonheur comme valeur suprême est égoïste et il faudrait en changer.

            A / Vivre pour être heureux est égoïste :

Plotin prône une quête solitaire, donc, égoïste : « Fuir seul vers le seul. »
Plotin n’est pas le seul :

« Le bonheur est un travail solitaire. »
Giono (1895 – 1970), Les Grands Chemins, Folio, Page 55

            B / Vivre pour être heureux corrompt les hommes :

La prétention au bonheur est dangereuse :

« La grande prétention au bonheur, voilà l’énorme imposture ! C’est elle qui complique toute la vie ! Qui rend les gens si venimeux, crapules, imbuvables. »
Céline (1894 – 1961), Mea culpa

Ainsi, la prétention au bonheur tend à l’immoralité :

« Il ne suffit pas d’être heureux, il faut que les autres ne le soient pas. »
Jules Renard (1864 – 1910), cité in Ibid.

« Bonheur : Agréable sensation qui naît de la contemplation de la misère d'autrui. »
Ambrose Bierce (1842 Etats-Unis – 1913), Dictionnaire du Diable, 1911


            C / Il faudrait alors vivre pour autre chose que pour être heureux :

La vertu morale prône le fait de vivre pour le bonheur des autres avant que pour être heureux soi-même : le vrai héros se sacrifie. En cela, il est exemplaire de par son humilité. Il est ici possible de réaliser un parallèle avec le sacrifice du Christ sur la croix.

D’un point de vue religieux, il faut vivre en priant (et, donc, en espérant) pour être en conformité avec le plan providentiel pré-établi par Dieu, et non pour être heureux. Job ne cherche pas son bonheur (ici défini comme étant une vie de satisfactions (Epicure)), mais cherche à être fidèle à Dieu. Vivre pour être heureux avant de vivre pour Dieu est une forme d’orgueil dont il faut se débarrasser pour les religieux.

III / Nous déterminons la finalité suprême de notre vie.

Nous vivons : à nous de déterminer pour quoi. La recherche du bonheur n’est donc pas intrinsèquement présente dans le fait de vivre. Nous pouvons (devons) changer de quête. Il s’agit ici de la mise en œuvre de la liberté considérée par Sartre d’un point de vue existentialiste.
Peut-être que notre nouvelle quête nous apportera le bonheur.

Conclusion :

            Ainsi, afin de répondre à la question, nous sommes en mesure de dire que bien qu’il soit un fait que nous vivions, même inconsciemment, pour être heureux, il nous est possible et il est même de notre devoir de changer de quête contre l’orgueil de l’homme. En lieu et place de la vie pour être heureux, il nous faudrait vivre pour que les autres le soient et / ou que nous plaisions à Dieu. Peut-être que le genre de vie que nous aurons choisi, une vie avec du sens pour nous (par l'altruisme, par la voie religieuse, ou par tout autre voie significative), nous apportera le bonheur, comme un supplément, et non comme ce qui déterminerait notre vie.


L'artiste est-il maître de son oeuvre ?

-          L’artiste est-il maître de son œuvre ?

            Est artiste celui à qui les autres reconnaissent qu’il produit des œuvres d’art, des productions porteuses de sens. Or, si l’artiste est un producteur, il semble légitime de considérer qu’il soit le maître de ce qu’il produit, de ce qu’il crée. A l’instar de l’artisan, lui aussi producteur mais d’objets, ou d’outils (et non d’œuvres d’art), l’artiste, s’il produit une œuvre porteuse de sens, semble avoir, avant toute production, l’intention de créer telle œuvre significative. En effet, l’artisan n’associe pas les matériaux au hasard, sans avoir l’idée de l’objet qu’il veut produire (chaise, chaussure, …). De la même manière, si l’œuvre d’art contient du sens, il semble peu probable que cela soit là le fruit du hasard : l’artiste a eu l’idée de produire cette œuvre avec du sens. En cela, il peut être considéré comme étant le maître de sa création. Il en est d’autant plus le maître lorsque l’on considère qu’il maîtrise le processus de production de l’œuvre. L’artiste est un maître lorsqu’il maîtrise une technique, une méthode de travail pour créer. Il est alors considéré comme maître en cela qu’il maîtrise le sens contenu dans son œuvre et la manière selon laquelle celle-ci a été produite.
Pourtant, est-il possible de qualifier de maître l’artiste créateur comme Dieu peut être qualifié de maître de la création (du monde) ? Rien n’échappe à Dieu maître Créateur, que ce soit le sens de ce qu’Il a produit ou la manière selon laquelle cela a été produit (ex nihilo). Or, en est-il de même en ce qui concerne l’artiste ? Maîtrise-t-il entièrement le processus de production ? N’est-il pas limité par les contraintes matérielles ? En effet, un artiste, si brillant soit-il, ne peut faire tout ce qu’il veut de la matière dont il dispose : il reste soumis aux lois physico-chimiques. N’est-il pas également contraint de faire référence, dans son œuvre, à des choses déjà existantes, contrairement à Dieu qui crée quelque chose d’entièrement nouveau ? Néanmoins, ce qui semble échapper le plus radicalement à la maîtrise de l’artiste est le sens contenu en son œuvre. En effet, l’artiste n’a presque aucune emprise sur ce que le public fait de son œuvre une fois que celle-ci lui est présentée. Le sens ne semble alors plus compris en l’œuvre, déposé par l’artiste lui-même, mais semble projeté sur l’œuvre par le spectateur et, contre cela, l’artiste ne peut rien : il perd le contrôle, la maîtrise, de la lecture de son œuvre. Combien d’œuvres littéraires et philosophiques ont été interprétées en trahissant le projet initial de leur auteur ?
            Ainsi, la question est alors de savoir si le producteur d’œuvres d’art peut être qualifié de maître en cela qu’il maîtrise la signification et le processus de production de ses œuvres ou bien si, tant ce processus que le sens de ses œuvres, lui échappent.
            Afin de répondre à cette question, nous verrons d’abord que l’artiste semble maîtriser la production, tant sur le plan matériel que sur celui du sens. Cependant, nous noterons les contraintes auxquelles doit se conformer celui que l’on perçoit à tort comme étant un maître. Enfin, nous relèverons le fait que l’œuvre d’art échappe presque en totalité à son créateur.

I / L’artiste semble maîtriser sa production, tant sur le plan matériel que sur celui du sens :

A / L’artiste est le maître de son œuvre en cela que celle-ci connaît son origine dans l’intention de son créateur :

-          L’art est une activité symbolique : l’artiste encode la réalité par une série de signes qui font référence, en les désignant, à des réalités. Ainsi, avant toute production, l’artiste a l’intention de désigner telle réalité par tel symbole. Exemple : ce pigment rouge sur le tableau symbolisera du sang.
Référence : Nelson Goodman (1906 – 1998), Etats-Unis, Langages de l’art

-          L’artiste peut avoir l’intention d’imiter la nature, par exemple.

Référence : Zeuxis et Parrhasius :

« On dit encore que Zeuxis peignit plus tard un enfant qui portait des raisins : un oiseau étant venu les becqueter, il se fâche avec la même ingénuité contre son ouvrage, et dit : « J’ai mieux peint les raisins que l’enfant ; car si j’eusse aussi bien réussi pour celui-ci, l’oiseau aurait dû avoir peur. ». »
Pline l’Ancien, Histoires Naturelles, XXXV

« Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter ; l’autre apporta un rideau si naturellement représenté, que Zeuxis, tout fier de la sentence des oiseaux, demande qu’on tirât enfin le rideau pour faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s’avoua vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n’avait trompé que des oiseaux, mais que Parrhasius avait trompé un artiste, qui était Zeuxis. »
Ibid.

B / De l’intention à la technique :

-          Ainsi, les artistes que sont Zeuxis et Parrhasius, en plus de la maîtrise de leur projet artistique (l’imitation), maîtrise une technique indispensable au processus de production du trompe-l’œil et qui fait l’objet de la compétition. Cette technique peut se raffiner en prenant en compte le point de vue du spectateur : il est ici question de la technique de la perspective ou de celle du non-respect des proportions dans le cas du colosse de Rhodes (que dénonce Platon) :


Sidney Barclay


Platon compare les artistes imitatifs aux sophistes, aux discoureurs, qui, eux aussi, maîtrisent et leur projet (persuader) et leur technique (la rhétorique).

C / Exemples :

-          Le projet peut être tout autre que l’imitation ou la persuasion mais tout aussi bien maîtrisé par l’artiste :
- l’expressionniste émeut, comme Munch (Le Cri, 1893).
- l’artiste engagé convainc, comme Brecht (1898 – 1956) ou Ionesco (1909 Roumanie – 1994) (Rhinocéros, 1959).


II / Le « maître » n’en n’est pas véritablement un en cela qu’il est soumis à des contraintes :

            A / L’artiste connaît des contraintes matérielles :

-          L’artiste ne peut pas tout faire de ses matériaux : il reste soumis aux lois physico-chimiques.

-          L’artiste dépend de ce qui est imaginable.

            B / L’artiste connaît des contraintes en cela que l’art peut être un message :

-          Dans le cas de l’art imitatif, l’artiste dépend du point de vue du spectateur.

-          Dans le cas de l’art expressionniste, l’artiste dépend du ressenti du spectateur.

-          Dans le cas de l’art engagé, l’artiste dépend de la compréhension du spectateur.

C / L’art dépend de l’interprétation du spectateur :

-          L’artiste peut placer une signification en son œuvre, mais le spectateur peut y placer une autre.

III / L’œuvre d’art échappe presque en totalité à son créateur :

            A / L’artiste n’est pas le spectateur :

-          Dans le cas de l’art expressionniste, le spectateur peut ressentir quelque chose que n’avait pas imaginé l’artiste.

-          Le spectateur peut comprendre quelque chose alors que l’artiste n’y avait pas pensé.


B / L’œuvre d’art peut échapper à son créateur :

-          Les œuvres imitatives des concours antiques peuvent être exposées dans un musée.

-          Il en va de même pour les œuvres religieuses, ce qui les dénature : on ne prie plus devant elles, même si on les contemple toujours.

C / N’est-ce pas là l’essence même de l’art ?

Donner à penser, plutôt que faire penser à quelque chose de déterminé :

« L’œuvre d’art est un message fondamentalement ambigu, une pluralité de signifiés qui coexistent en un seul signifiant. »
Umberto Eco, L’œuvre ouverte, 1962

« Toute œuvre d’art alors même qu’elle est une forme achevée et close dans sa perfection d’organisme exactement calibré, est ouverte au moins en ce qu’elle peut être interprétée de différentes façons, sans que son irréductible singularité soit altérée. Jouir d’une œuvre d’art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans une perspective originale. »
Ibid.


Cependant, privilégier l’interprétation libre d’une œuvre d’art, n’est-ce pas trahir les auteurs ? C’est contre cette possible trahison que Schopenhauer s’insurge :

« En face d’une œuvre d’art, il importe de se placer comme en présence d’un prince et de ne jamais prendre la parole le premier. Faute de quoi, l’on risquerait fort de n’entendre que sa propre voix. »
Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, 1818 – 1819

Conclusion :


            Ainsi, afin de répondre à la question, nous sommes en mesure de dire que, bien que le producteur d’œuvres d’art puisse tenter de placer une signification précise en son œuvre et bien qu’il en maîtrise la technique de production, l’artiste ne peut être qualifié de maître de son œuvre en cela qu’il ne maîtrise pas la totalité du processus de production, et, surtout, qu’il n’a pas d’emprise sur l’interprétation libre que se permettra de réaliser le spectateur. Celui qu’on a pu prendre pour le maître n’est qu’un créateur qui voit s’échapper sa créature. 

mardi 3 juin 2014

Rappel méthodologique

Méthodologie :

Dissertation :

Introduction :

            Commencez votre introduction par un alinéa. Les alinéas (ainsi que les passages à la ligne et les passages de lignes) servent à repérer votre structure argumentative.

-          Accroche (facultatif) :

            Montrez l’enjeu que soulève la question posée au travers d’un exemple issu de l’actualité, de la littérature, ou des autres types d’art.

-          Analyse de la formulation du sujet :

Exemples :

« Peut-on … ? » : Possibilité ET Légitimité

« Doit-on … ? » : Légitimité

            Indiquez ce que sous-entend la question posée.

-          Définir des termes du sujet :

            Vos définitions doivent servir votre problématique. Ne définissez pas sans réutiliser par la suite vos définitions.
Présentez vos définitions des termes du sujet de manière dynamique, dans un paragraphe rédigé avec des phrases liées les unes aux autres. Proscrivez l’effet listing. Les tirets sont interdits.
Pour définir, indiquez, si vous la connaissez l’étymologie, et/ou le concept contraire à celui que vous définissez.

-          Première réponse argumentée :

Allez à la ligne.

            Présentez la réponse qui paraît la plus évidente pour le sens commun. Cette première réponse doit être étayée d’un ou deux arguments.
N’appuyez pas cette première présentation par des auteurs. Gardez-les pour le développement.



-          Nuance :

Allez à la ligne.

            Emettez des objections à la réponse du sens commun en montrant qu’un autre point de vue, qu’une autre réponse à la question posée est possible. Etayez avec un ou deux arguments.

-          Problématique :

Allez à la ligne et faites un alinéa.

            Montrez la tension qui existe entre la première réponse et la nuance, soit par une série de questions, soit par une phrase organisée de type : « La question est alors de savoir si [première réponse] ou bien si [nuance] ».

-          Annonce de plan :

Allez à la ligne et faites un alinéa.

            Présentez vos grandes parties de développement en proscrivant la présentation de type : « Dans un premier temps (…). Dans un second temps (…). Dans un troisième temps (…) ». Préférez : « D’abord (…). Ensuite (…). Enfin (…) ».
L’annonce du III doit mettre en lumière l’enjeu soulevé par la question posée.


Développement :

Passez une ligne et faites un alinéa.

I / Première réponse

            Présentez la structure de votre première partie.

Allez à la ligne.

A / B / C : La progression doit aller du plus simple, du plus évident, au plus complexe.
Un ou deux grands arguments par sous-partie. N’oubliez pas de donner des exemples.
Allez à la ligne à chaque sous-partie.

Transition : Montrez la progression logique du raisonnement pour passer de la première réponse, argumentée grâce à l’étude des auteurs, à la nuance qui sera, elle aussi, argumentée.

II / Nuance

Passez une ligne et faites un alinéa.

Evitez les oppositions trop radicales entre vos deux premières parties de type « Oui / Non ». Expliquez sur quel point de l’argumentation porte la nuance.

Exemple : La société est naturelle, donc, nécessaire. Pourtant, elle peut être considérée comme un fait culturel dépendant de la volonté des hommes, et non de leur instinct. (Hobbes / Rousseau, en somme).

Présentation

A / B / C

Transition : Présentez le fait que la question posée soulève des enjeux qu’il s’agit de prendre en charge.

III / Enjeu(x)

Présentation

A / B / C


Conclusion :

Passez une ligne et faites un alinéa.

            Rappelez la logique de votre argumentation et répondez à la question à la lumière de vos analyses. Ouverture sur une autre question facultative.


Commentaire :

Introduction :

Commencez votre copie par un alinéa.

-          Présentation

            Indiquez l’auteur, l’œuvre dont est issu l’extrait à étudier. Si vous la connaissez, indiquez l’école de pensée dans laquelle se situe l’auteur et ce pourquoi il est connu (uniquement si cela sert votre commentaire par la suite).


-          Thème

Allez à la ligne.

            Indiquez le thème du texte, de quoi il parle, en précisant quelque peu pour ne pas en rester à des mots vides du type : « Il s’agit d’un texte sur la liberté. ».

-          Thèse

Allez à la ligne.

            Indiquez la thèse de l’auteur, la position défendue, l’idée principale de l’extrait. Si vous le pouvez et si le texte s’y prête, indiquez à quelle idée celle de l’auteur s’oppose.

-          Problématique

Allez à la ligne et faites un alinéa.

            Formulez la question à laquelle l’auteur répond par son texte. La formulation de la problématique est la même que pour la dissertation.

-          Annonce du plan 

Allez à la ligne et faites un alinéa.

            Montrez la progression logique de l’argumentation de l’auteur. Vous aurez au préalable (au brouillon) découpé le texte en ayant repéré les différents moments de l’argumentation. Pour ce faire, repérer sur le texte les coordinateurs logiques. Vous ne devez pas simplement expliquez les idées présentes dans le texte : vous devez également montrer comment l’auteur présente ses idées.
L’annonce du plan peut se faire comme ceci :

« D’abord (…) (lignes 1 à 8 : « [Premiers mots] (…) [derniers mots] »). Ensuite … Enfin ».


Développement :

Passez une ligne et faites un alinéa.

            Analysez linéairement le texte en ne commentant pas la totalité du texte (ce qui serait trop long), mais en repérant les passages importants qui nécessite une explication et un commentaire approfondi pour mettre en lumière la pensée de l’auteur.

Vos grandes parties suivent le découpage du texte que vous avez proposé en introduction.

Passez une ligne et faites un alinéa à chaque grande partie.

Allez à la ligne à chaque grand argument.


Conclusion :

            Rappelez la problématique et la réponse de l’auteur en relevant la progression logique de son argumentation que vous venez de commenter. Montrez l’enjeu du texte qui vous est proposé (sans tomber dans l’excès de zèle).